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Les premières phrases

« Journée ordinaire. Hier, deux frappes ont tué quatre gamins dont le seul crime avait été de jouer au foot sur la plage. Tu te réveilles dans la chambre où tu t’es installé la veille. L’hôtel concentre une partie de la presse internationale. Tu aurais préféré loger chez l’habitant. Mais ton agence t’a convaincu de privilégier la sécurité. Peu de quartiers sont vraiment épargnés. Des familles entières disparaissent parce qu’elles habitent, sans le savoir ou en tout conscience, à proximité d’un bureau clandestin. Les frappes chirurgicales relèvent souvent de l’erreur médicale.

Une énième trêve devrait t’offrir quelques jours pour capturer ces instants de vie quotidienne, les photos que tu affectionnes, loin du sensationnalisme. »

Impressions

Je savais, en commençant ce roman, qu’il allait me mettre le cœur en miettes. Je le savais, mais je me devais de le lire, pour son sujet d’actualité, cette actualité que je suis sur les écrans, impuissante, sidérée, horrifiée. Alors, je l’ai lu, presque d’une traite – le roman est court, une centaine de pages – en sachant pertinemment qu’à la fin j’aurais les yeux mouillés de larmes et évidemment, ça n’a pas loupé.

Avec L’homme qui lisait des livres, Rachid Benzine nous fait suivre les pas d’un journaliste, missionné en 2014 à Gaza. Là-bas, entre quartiers en ruine et quartiers moins touchés par les bombardements, il s’apprête à photographier un vieil homme en train de lire un roman au pied de sa librairie, quand son geste est arrêté par une remarque du libraire : « Vous savez, ce n’est pas rien une photographie. Je ne vous connais pas. Vous ne me connaissez pas. Il serait peut-être plus aimable que nous prenions le temps d’abord de nous rencontrer. » Alors, Nabil va raconter à Julien l’histoire qui se cache derrière la simple photo d’un homme en train de lire. Il va lui raconter sa vie, celle de sa famille, de ses amis, une vie de souffrances, d’exil, de résignation, de révolte, mais aussi d’amitiés, d’amour et de moments de joie. Et puis il va lui confier tout ce que la lecture a pu lui apporter : l’évasion, la compréhension, les mots comme une bouée de sauvetage, l’espoir, parfois. « L’angoisse était partout, dit-il. Elle imprégnait l’air que nous respirions, elle pesait sur nos cœurs, elle s’insinuait même dans nos rêves. Chaos, humiliation, destruction. Toute leur vie, bien des Palestiniens n’auront connu que ce traitement. Et toute leur vie également, bien des Israéliens ne se seront représentés les Palestiniens que comme des terroristes. Ces images inversées expliquent l’impossible réconciliation. Alors comment a-t-on fait pour tenir ainsi tant d’années ? On s’habitue à tout peut-être. »

Lisez ce livre, témoignage profondément humain de l’histoire du peuple palestinien.

L’homme qui lisait des livres – Rachid Benzine – Août 2025 – Julliard