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Les premières phrases
« La lumière blanche d’un jour terne filtrait par la porte entrebâillée. L’ouverture ne permettait d’entrevoir que le tatami immaculé et l’angle du futon. La paroi de papier qui constituait le shoji ne laissait, elle, distinguer que quelques silhouettes semblables à celles des théâtres d’ombres.
L’adolescente, recroquevillée sur elle-même, approcha la tête de l’ouverture le plus discrètement possible. Elle retint sa chevelure d’une main avant que celle-ci ne touche le sol, craignant que le bruissement ne suffise, dans le silence, à trahir sa présence. L’espace n’était toutefois pas suffisant pour qu’elle perçoive grand-chose de la chambre. Cette dernière, située au troisième étage du donjon, était aussi vaste que se devait de l’être celle de l’héritier de l’illustre famille. Yuki recula un peu et se tordit à demi le cou en essayant de trouver un angle plus propice, jusqu’à ce que son regard tombe sur la main de son frère. »
Circonstances de lecture
Attirée par la couverture.
Impressions
Claire Krust signe ici un premier roman très prometteur. Elle nous entraîne dans un Japon médiéval baigné de neige poudreuse, d’hivers rudes et d’esprits fantomatiques. Les cinq parties de son récit relatent la déchéance d’une riche famille japonaise selon différents points de vue et à différentes époques. De la jeune fille fuyant la demeure familiale pour essayer de trouver un guérisseur et ainsi sauver son frère mourant, à un fantôme hantant une demeure à l’abandon, Claire Krust crée des personnages attachants, le tout dans un univers feutré, doux et cruel à la fois. J’ai beaucoup aimé l’ambiance de ce livre et les thèmes qui y sont abordés (la solitude, le désir de liberté, l’acceptation de la mort…). Un roman à mettre aussi bien entre les mains d’amateurs de fantasy et de fantastique que de romans asiatiques au sens large.
Un passage parmi d’autres
D’autres fois il réfléchissait au mystère de son existence. S’il avait pu ouvrir les livres, il se serait plongé dans des tas d’analyses des dires des anciens, des philosophes, afin de découvrir l’origine et la cause de cet état de non-existence. Puisque c’était impossible, il conversait avec lui-même, dans l’intimité de ses pensées et de son monde silencieux. Il cherchait ce qui, dans sa mort, ou dans sa vie, avait pu le transformer en fantôme. S’il était bien un fantôme, car il n’avait jamais rencontré d’être semblable à lui. Était-ce par faiblesse qu’il n’avait pas franchi la mort ? Ou peut-être se trouvait-il simplement dans l’Autre Monde, et tous les défunts connaissaient un sort semblable ? Resterait-il alors ainsi indéfiniment, condamné à observer en simple spectateur impuissant la décadence de sa propre famille ?
Claire Krust – Les neiges de l’éternel – septembre 2018 (Hélios)