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Les premières phrases
« D’abord sont apparus des icebergs tabulaires flottant dans la piscine municipale. Des narvals passaient par une fente du carrelage, au fond. Dans l’eau chlorée, je pressais de la main un morceau de glace blanche et je m’amusais à l’enfoncer et à le faire ressortir. Un rêve. Plus tard, au Musée d’Orsay à Paris, je voyais des calottes glaciaires dans les tutus bleus des ballerines de Degas. »
Circonstances de lecture
Parce que j’étais intriguée par ce titre.
Impressions
« Frère de glace » est un livre ovni bien difficile à résumer. Entre thèse sur l’exploration des Pôles, ode aux grands explorateurs, journal intime, récit familial autour d’un frère autiste, Alicia Kopf explore ici sa propre vie d’artiste et tente de briser la glace pour se trouver elle-même et comprendre ce frère enfermé dans son monde.
Ce livre déroutant, je l’ai lu d’une traite, sans pouvoir m’arrêter, jusqu’à ce récit de voyage en Islande, pays de glace par excellence. La fascination de l’auteur pour les explorateurs des Pôles n’est sans doute pas étrangère à son désir de briser la glace entourant son frère et sa volonté à elle de se faire comprendre par sa famille. Briser la glace, explorer ses failles, aller au bout du monde pour se trouver, se libérer et pouvoir enfin être soi… Voici un livre déroutant, inclassable et fascinant.
Un passage parmi d’autres
Chaque mois, tout ce que nous n’avons pas pu acheter, et que nous n’achèterons pas les mois suivants, finit quelque part, là-bas, sous la glace. Les amours platoniques forment des cristaux et ils restent eux aussi coincés sous la neige. Ces désirs insatisfaits, quand ils sont nombreux, provoquent des fissures qui ressortent sur la peau de notre front. Il arrive que la glace fasse glisser et tomber dans des failles plus profondes. Au terme d’un temps très long il peut se produire un dégel et tout ce qui se trouve en dessous émerge, comme les mammouths dans les plaines sibériennes en été. Les restes sont humides et sentent très mauvais. Nous n’en voulons plus. Nous pensons qu’ils n’en valent pas la peine. Que c’est de l’argent jeté par les fenêtres ou que l’amour pour cet autre est immérité.
Alicia Kopf – Frère de glace – janvier 2019 (Robert Laffont)