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Les premières phrases
« L’aube était coulante, liée, un peu longue et lente. Étirée. Oui. On pouvait dire cela d’un jour qui ne se levait jamais. D’une nuit éternelle posée sur la corde, d’une lumière qui, bien que suffisante pour échancrer les nuages et teinter le vent glacial, ne se risquait pas encore au-dessus de la fragile limite de l’horizon. Trop discrète, trop timide. Comme si l’hiver lui-même était trop ancré dans le pôle, comme si le printemps, effrayé à l’idée d’un réveil trop précoce, n’osait pas encore déplacer la longue nuit de l’hiver antarctique. »
Circonstances de lecture
Parce qu’on m’en avait dit le plus grand bien.
Impressions
Et si, au lieu de se réchauffer, la Terre commençait plutôt à se refroidir ? Et si l’espèce humaine devait plutôt se préoccuper de ce qui se passe en Antarctique au lieu de se focaliser sur la conquête spatiale ? Dirigeante d’une multinationale, Mila Stenson s’inquiète de la baisse des températures qui pourrait menacer son empire. Elle s’inquiète également pour sa santé car depuis quelque temps, des rêves ultra-réalistes lui faisant remonter le temps l’assaillent subitement, tandis que sa vision se voit assombrie par un étrange disque noir. Surtout, un message semblant lui être destiné vient d’être découvert dans la glace… La voilà donc à quitter le confort de sa station orbitale pour partir en Antarctique.
« La couleur du froid » est à la fois un roman d’aventure nous menant dans les grands espaces glaciales, un thriller et de la science-fiction, le tout teinté de surnaturel et d’explications scientifiques. Grâce à ce mélange des genres, Jean Krug parvient à surprendre son lecteur chapitre après chapitre. Surtout, il sait merveilleusement bien décrire la banquise et le froid. Si Alain Damasio avait fait du vent (et de ses différentes formes) le centre de sa Horde, Jean Krug parvient ici à décrire le froid (et ses différentes couleurs et musiques) comme jamais, lui donnant ainsi le rôle principal de son histoire. Quant à ses protagonistes humains, ils sont fouillés, et on s’y attache forcément grâce notamment à leurs failles et au fait que l’auteur leur confère la narration à tour de rôle, nous permettant ainsi d’être au plus près de chacun d’eux.
Jean Krug signe un grand roman de SF, nous faisant ressentir avec brio les sensations de froid et l’émerveillement (teinté de peur voire de terreur) devant une nature si grandiose. Il propose également une réflexion passionnante sur le dérèglement climatique et les dérives des décisions politiques et économiques, et n’hésite pas à délivrer des explications scientifiques pour décrire certains phénomènes. J’avoue que je me suis sentie assez dépassée par certains de ces passages, me sentant alors d’autant plus proches de certains protagonistes de l’histoire n’ayant que peu de bagages scientifiques eux-mêmes. Cela n’a en tout cas que très peu gêné ma lecture et je pense que de nombreux lecteurs apprécieront vraiment ces passages. Jean Krug sait en effet pertinemment de quoi il parle, étant lui-même glaciologue.
Enfilez donc votre pull en laine le plus épais, enfoncez bien votre bonnet sur votre tête, et préparez-vous à être malmené, aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Car c’est un voyage vous gerçant les larmes au coin des yeux, et vous fendillant le cœur que vous propose Jean Krug. Un voyage d’une beauté glaçante.
Jean Krug – La couleur du froid – Mai 2024 – Critic