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Critique de livre, Durian Sukegawa, idées de lecture, lecture, Les délices de Tokyo, Livre, quoi lire, roman
Les premières phrases
« Doraharu, marchand de dorayaki.
Sentarô passait ses journées debout derrière la plaque chauffante.
Sa boutique était située en retrait de la route longeant la foie ferrée, dans la rue commerçante baptisée Sakuradôri, « rue des Cerisiers ». La rue se distinguait pourtant plus par le nombre de commerces fermés que par ses cerisiers plantés çà et là. Malgré tout, en cette saison, il semblait y avoir un peu plus de passants que d’habitude, peut-être attirés par les fleurs.
Sentarô remarqua une vieille femme immobile au bord du trottoir sans y attacher d’importance. Il se concentra sur le saladier dans lequel il mélangeait la pâte. Devant la boutique se dressait un cerisier en pleine floraison, pareil à une masse bouillonnante de petits nuages. Sentarô était persuadé que c’était ce qu’elle contemplait.
Néanmoins lorsqu’il releva la tête un peu plus tard, la dame au chapeau blanc n’avait pas bougé. Et ce n’était pas le cerisier qu’elle regardait, mais lui. »
Circonstances de lecture
Comment ne pas être attiré par cette couverture aux couleurs acidulées ?
Impressions
Attention : ÉNORME coup de cœur !!! L’auteur nous raconte l’histoire de Sentarô, vendeur de dorayaki, aux yeux tristes, et n’aimant pas son travail. Jusqu’à ce qu’il rencontre Tokue, vieille femme aux doigts recourbés, qui lui apprend le goût de la cuisine et des bonnes choses. Mais cette dernière cache un lourd secret…
Ce livre doux et poétique donne envie de manger des beignets, à l’ombre d’un cerisier en fleurs. Un beau roman sur la tolérance et l’acceptation des différences. A savourer…
Un passage parmi d’autres
L’attitude adoptée par Tokue envers les haricots était étrange. Elle approchait son visage des azuki. Tout près. Exactement comme si elle envoyait des ondes à chaque grain.
Tokue continua à se comporter de la même manière après les avoir mis à cuire.
Dans les pâtisseries japonaises, la bassine en cuivre réservée à la cuisson de la pâte de haricots confits porte un nom spécial : sawari. Sentarô avait tenté d’en confectionner à plusieurs reprises ; il avait toujours laissé le sawari sur le feu jusqu’à ce que les haricots deviennent tendres.
Mais pas Tokue. Sa méthode était tout à fait différente.
D’abord, quand l’eau frémissait, elle y ajoutait immédiatement de l’eau froide. Après avoir répété cette manœuvre plusieurs fois, elle égoutta les haricots et jeta l’eau de cuisson. Puis elle les remit dans le sawari, qu’elle remplit cette fois d’eau tiède. Tokue expliqua que ce procédé permettait de rendre les haricots plus digestes. Leur amertume et leur âpreté étaient ainsi éliminées avec l’eau. Ensuite, en les remuant délicatement avec une cuillère en bois, elle les fit lentement mijoter à feu doux. A chacune de ces étapes, Tokue approchait son visage si près des haricots qu’il baignait dans la vapeur d’eau.
Que regardait-elle donc ? Les haricots azuki subissaient-ils une quelconque transformation ? Sentarô fit lui aussi un pas en avant et examina les haricots disparaissant sous un nuage de vapeur. Mais il ne discerna aucune évolution significative.
La cuillère en bois entre ses mains handicapées, Tokue s’abîmait dans la contemplation.
Durian Sukegawa – Les délices de Tokyo – 2016 (Albin Michel)
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