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Love In Books

~ Parce qu'il n'y a rien de mieux qu'un livre pour s'évader…

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Archives de Tag: Gallimard

Éden – Monica Sabolo

27 mardi Août 2019

Posted by Aurélie in Romans français

≈ 1 Commentaire

Étiquettes

Critique de livre, Eden, Gallimard, idées de lecture, lecture, Livre, Monica Sabolo, quoi lire, rentrée littéraire, Rentrée littéraire 2019, roman

Les premières phrases

«  Un esprit de la forêt. Voilà ce qu’elle avait vu. Elle le répéterait, encore et encore, à tous ceux qui l’interrogeaient, au père de Lucy, avec son pantalon froissé et sa chemise sale, à la police, aux habitants de la réserve, elle dirait toujours les mêmes mots, lèvres serrées, menton buté. Quand on lui demandait, avec douceur, puis d’une voix de plus en plus tendue, pressante, s’il ne s’agissait pas plutôt de Lucy – Lucy, quinze ans, blonde, un mètre soixante-cinq, short en jean, tee-shirt blanc, disparue depuis deux jours – , quand on lui demandait si elle n’avait pas vu Lucy, elle répondait en secouant la tête : « Non, non, c’était un esprit, l’esprit de la forêt. »  »

Circonstances de lecture

Parce que j’avais envie de découvrir cet auteur.

Impressions

Éden est un roman sauvage sur l’adolescence et l’entrée dans un monde adulte désenchanté. Nita vit dans une réserve indienne, à la lisière d’une forêt qui peu à peu tombe sous les coups des tronçonneuses. Elle assiste, impuissante, à la destruction du monde qui l’entoure, à la violence des hommes, à l’inégalité sociale croissante, et aux crimes se multipliant dans la région. Un livre envoûtant, nimbé d’esprits de la forêt, du souvenir des disparus et d’un désir de vengeance irrépressible. Avec en question de fond lancinante : quel mal rôde dans la forêt ?

Un passage parmi d’autres

 Mon père chantonnait à voix basse. Ses gestes élégants ressemblaient à un rituel sacré pour rejoindre un autre monde.

Arrivés au centre du lac, nous restions là, bercés par le clapotis de l’eau, et il me parlait d’un endroit où chaque animal, chaque pierre, chaque plante existait dans sa forme parfaite. « Tout ce que tu vois ici n’est que l’ombre de là-bas, une image dans un miroir. » Mais il était impossible d’imaginer un espace plus beau que celui où nous flottions, entre le ciel bleu perle et l’eau plus pâle encore. Mon père ouvrait des bières, moi je ne buvais ni ne mangeais rien, il me semblait que j’étais faite de particules lumineuses, j’aurais pu entrer dans le ciel ou dans l’eau comme dans un nuage, juste en me laissant porter.

Monica Sabolo – Eden – août 2019 (Gallimard)

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Un silence brutal – Ron Rash

04 lundi Mar 2019

Posted by Aurélie in Policiers / Thrillers, Romans étrangers

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Critique de livre, Gallimard, idées de lecture, lecture, Livre, Polar, quoi lire, roman, Roman noir, Ron Rash, Un silence brutal

Les premières phrases

ron-rash-un-silence-brutal.jpg«  Alors que le soleil colore encore les montagnes, des êtres aux ailes de cuir noir tournoient déjà à faible hauteur. Les premières lucioles clignotent, indolentes. Au-delà de cette prairie des cigales s’emballent et ralentissent comme autant de machines à coudre. Tout le reste paré pour la nuit, hormis la nuit elle-même. Je regarde l’ultime lueur s’élever au-dessus de la rase campagne. Au sol des ombres suintent et s’épaississent. Des arbres en cercle forment des rives. La prairie se mue en étang qui s’emplit, à la surface des dizaines de suzannes-aux-yeux-noirs.

Je m’assieds sur sur un sol qui fraîchit, bientôt humide de rosée. Près de moi une charrue à versoir abandonnée de longtemps. Des lianes de chèvrefeuille enroulent leurs verts cordons, des fleurs blanches accrochées là comme de petites ampoules de Noël. J’effleure un manche qu’ont poli rotations de poignet et suantes étreintes. Le souvenir des mains de mon grand-père, rondes de cals et aussi lisses que des pièces de monnaie usées. Un matin je l’avais regardé parcourir le champ, la rame d’acier faisant onduler la terre.  »

Circonstances de lecture

Parce que j’avais envie de commencer à lire du Ron Rash.

Impressions

Un shérif part bientôt à la retraite. Il doit encore gérer une affaire de drogue et le déversement de pétrole lampant dans une rivière gorgée de poissons, avant de passer la main à son adjoint. Une histoire assez banale en somme, mais la plume poétique de Ron Rash et son amour de la nature transforment ce polar en un beau roman noir, ode au passage du temps et des saisons. Ici, l’odeur de la forêt côtoie celle de la méthamphétamine, les dollars changent de mains pour tenter de trouver un équilibre précaire entre compromis peu orthodoxes et justice parfois trop expéditive.

Un passage parmi d’autres

 J’avais été terriblement somnambule étant petit. Il y avait eu des périodes, pour je ne sais quelle raison toujours en été, où je sortais de la maison et me retrouvais dans le jardin. Les gens, en ce temps-là, du moins ceux de la campagne, ne voyaient pas l’intérêt de laisser une ampoule allumée toute la nuit sur leur galerie. J’ouvrais soudain les yeux et il n’y avait rien d’autre que l’obscurité, comme si le monde, s’étant libéré de son collier, s’était enfui emportant tout sauf moi. J’entendais alors un engoulevent ou une cigale caniculaire, je sentais la rosée me mouiller les pieds, ou bien je levais les yeux et découvrais les étoiles piquées dans le ciel à leur place habituelle, seule la lune vagabondait.

Je tournai sur la grand-route et repartis vers la ville en repensant tout au long du trajet à cette impression que j’avais eu enfant, quand le monde connu avait disparu et qu’il fallait trouver comment le faire revenir, sans être sûr d’y arriver.

Ron Rash – Un silence brutal – mars 2019 (Gallimard)

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Le mystère Henri Pick – David Foenkinos

22 vendredi Avr 2016

Posted by Aurélie in Romans français

≈ 2 Commentaires

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Critique de livre, David Foenkinos, Gallimard, idées de lecture, Le mystère Henri Pick, lecture, Livre, quoi lire, roman

Les premières phrases

David Foenkinos - Le mystère Henri Pick«  En 1971, l’écrivain américain Richard Brautigan a publié L’Avortement. Il s’agit d’une intrigue amoureuse assez particulière entre un bibliothécaire et une jeune femme au corps spectaculaire. Un corps dont elle est victime en quelque sorte, comme s’il existait une malédiction de la beauté. Vida, tel est le prénom de l’héroïne, raconte qu’un homme s’est tué au volant à cause d’elle ; subjugué par cette passante inouïe, le conducteur a tout simplement oublié la route. Après le crash, la jeune femme s’est précipitée vers la voiture. Le conducteur en sang, agonisant, a juste eu le temps de lui dire avant de mourir : « Ce que vous êtes belle, mademoiselle. »

A vrai dire, l’histoire de Vida nous intéresse moins que celle du bibliothécaire. Car il s’agit là de la particularité de ce roman. Le héros est employé dans une bibliothèque qui accepte tous les livres refusés par les éditeurs.  »

Circonstances de lecture

Attirée par le thème du livre.

Impressions

C’est bien simple : j’ai dévoré le dernier roman de David Foenkinos. Dès le départ, j’ai été happée par l’intrigue. Un bibliothécaire a l’idée d’accepter les manuscrits refusés par les éditeurs. Ils finissent sous la poussière, rangés au fond de la bibliothèque. Jusqu’au jour où une jeune éditrice en vacances tombe sur un  de ces manuscrits et découvre un chef d’œuvre. Son auteur a pourtant un profil atypique : c’était un pizzaiolo qui, selon sa veuve, n’avait jamais lu un seul livre… Aussitôt publié, le roman connaît un immense succès. Mais voilà, qui était Henri Pick ? Est-il vraiment l’auteur de ce livre ? David Foenkinos ne donne la réponse que dans les toutes dernières pages, comme dans une enquête policière. Un très bon roman.

Un passage parmi d’autres

 Pick avait ainsi été sur toutes les lèvres, symbolisant le rêve d’être un jour reconnu pour son talent. Comment croire ceux qui disent écrire pour eux ? Les mots ont toujours une destination, aspirent à un autre regard. Écrire pour soi serait comme faire sa valise pour ne pas partir. Si le roman de Pick plaisait, c’était surtout l’histoire de sa vie qui touchait les gens. Elle faisait écho à ce fantasme d’être un autre, le super-héros dont personne ne sait les capacités extraordinaires, cet homme si discret dont le secret est de posséder une sensibilité littéraire imperceptible. Et moins on en savait sur lui, plus il fascinait. Sa biographie ne laissait rien paraître d’autre qu’une vie banale, linéaire. Cela renforçait l’admiration, pour ne pas dire le mythe. De plus en plus de lecteurs voulurent aller sur ses traces, et se recueillir sur sa tombe. Le cimetière de Crozon accueillait ses admirateurs les plus fervents. Madeleine les croisait parfois. Ne comprenant pas leur démarche, elle n’hésitait pas à leur demander de partir et de laisser son mari tranquille. Était-elle du genre à penser qu’on pouvait réveiller un mort ? En tout cas, il était possible de troubler ses secrets.

David Foenkinos – Le mystère Henri Pick – 2016 (Gallimard)

 

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La vie des elfes – Muriel Barbery

01 mercredi Avr 2015

Posted by Aurélie in Fantasy, Romans français

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Critique de livre, Fantasy, Gallimard, La vie des elfes, Muriel Barbery, roman

Muriel Barbery - La vie des elfesLes premières phrases

«  La petite passait l’essentiel de ses heures de loisir dans les branches. Quand on ne savait pas où la trouver, on allait aux arbres, d’abord au grand hêtre qui dominait l’appentis nord et où elle aimait à rêver en observant le mouvement dans la ferme, ensuite au vieux tilleul du jardin de curé après le petit muret de pierres fraîches, et enfin, et c’était le plus souvent en hiver, aux chênes de la combe ouest du champ attenant, un ressac du terrain planté de trois spécimens comme on n’en avait pas de plus beaux au pays. La petite nichait dans les arbres tout le temps qu’elle pouvait dérober à une vie de village faite d’étude, de repas et de messes, et il arrivait qu’elle y invitât certains camarades qui s’émerveillaient des esplanades légères qu’elle y avait aménagées et passaient là de fiers jours à causer et à rire. »

Circonstances de lecture

Parce que j’avais beaucoup aimé « L’élégance du hérisson », son précédent roman. Et parce que j’aime les histoires d’elfes et de fées.

Impressions

Que les lecteurs qui s’attendent à retrouver la même ambiance et la même plume que « L’élégance du hérisson » se détrompent tout de suite : avec « La vie des elfes« , Muriel Barbery s’essaie à un tout autre style. Ici, son écriture est à la fois poétique et lyrique. C’est beau mais exigeant. Cela se prête en tout cas parfaitement à son histoire, à la frontière du monde réel et fantastique. Que ceux qui n’adhèrent pas à la Fantasy passent également leur chemin. Car, comme le nom du roman l’indique d’emblée, « La vie des elfes » raconte l’histoire de deux petites filles – Clara et Maria – dotées de dons exceptionnelles, et capables de relier le monde des humains au monde mystérieux des elfes. Muriel Barbery parle ici de l’éternel combat du bien contre le mal, mais aussi de magie et de créatures fantastiques. Elle rend également un bel hommage à ces paysans, amoureux de la terre et durs au labeur, pour qui les mots sont souvent moins importants que les regards et les gestes d’affection.

Au final, si « La vie des elfes » surprend par son style, il donne une jolie dimension à la Fantasy. Une lecture déroutante, peut-être, exigeante, sans doute… Mais si vous vous laissez porter par l’écriture poétique et lyrique, si vous aimez les histoires fantastiques, vous aimerez ce roman. Certes, il faut s’accrocher par moment (l’écriture est vraiment particulière, propre peut-être aux elfes) mais l’histoire est belle. Je lirai donc la suite.

Un passage parmi d’autres

 Mais que voit-on au-dedans de la vie ? On voit des arbres, du bois, de la neige, un pont peut-être, et des paysages qui passent sans que l’œil ne puisse les retenir. On voit le labeur et la brise, les saisons et les peines, et chacun voit un tableau qui n’appartient qu’à son cœur, une courroie de cuir dans une boîte en fer-blanc, un coin de champ où il y a des aubépines par légions, le visage ridé d’une femme aimée et le sourire de la petite qui conte une histoire de rainettes. Puis on ne voit plus rien. Les hommes se souviendront que le monde a brusquement retombé sur ses pieds dans une déflagration qui les a laissés tout ballants – après quoi ils ont vu que la clairière était lavée de brumes, qu’il y neigeait à se noyer et que la petite se tenait seule au centre du cercle où il n’y avait d’autres traces que les siennes. Alors tout le monde est redescendu jusqu’à la ferme où on a installé l’enfant devant un bol de lait brûlant et où les hommes ont débarrassé leurs fusils à la hâte parce qu’il y avait là une fricassée de bolets avec un pâté de museau et dix bouteilles de vin de garde.

Voilà l’histoire de la petite fille qui tenait bien serrée une patte de sanglier géante. Au vrai, personne ne saurait tout à fait en expliquer le sens.

Muriel Barbery –  La vie des elfes – 2015 (Gallimard)

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L’amour et les forêts – Eric Reinhardt

03 vendredi Oct 2014

Posted by Aurélie in Romans français

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Critique de livre, Eric Reinhardt, Gallimard, L'amour et les forêts, roman

Eric Reinhardt - L'amour et les forêtsLes premières phrases

«  J’ai eu envie de connaître Bénédicte Ombredanne en découvrant sa première lettre : c’était une lettre dont la ferveur se nuançait de traits d’humour, ces deux pages m’ont ému et fait sourire, elles étaient aussi très bien écrites, c’est un alliage suffisamment rare pour qu’il m’ait immédiatement accroché.

D’abord un peu précautionneuse, cette lettre était, à mesure qu’elle progressait, de plus en plus féroce et mécontente. De l’ironie, une réjouissante indiscipline, des clameurs de cour de récréation résonnaient dans ses phrases – leur graphie inclinée vers l’avenir suggérait bien l’audace consciente d’elle-même avec laquelle cette inconnue s’était précipitée vers moi par la pensée, comme si sa lettre avait été écrite d’une traite sans être relue avant de disparaître irrémédiablement dans la fente d’une boîte postale, hop, ça y est, trop tard, au terme d’une course irréfléchie, fougueuse, qui sans doute avait démarré à la seconde où la jeune femme avait posé la plume de son stylo sur le papier, déterminée, en se refusant la possibilité de tout retour en arrière. »

Circonstances de lecture

J’avais lu et entendu beaucoup de bien de ce livre.

Impressions

Je ne savais pas à quoi m’attendre en commençant « L’amour et les forêts ». Je connaissais juste le point de départ : une lectrice écrit à un écrivain pour lui dire tout le bien qu’elle pense de son dernier roman. Et, de fil en aiguille, elle se confie petit à petit sur sa vie. Je m’attendais à un livre léger, sur les bienfaits de la lecture, et ce lien qui unit secrètement lecteurs et écrivains. Pourtant, ce livre – s’il parle aussi de cela – est surtout un témoignage dur et cruel sur une femme harcelée par son mari, une femme qui un jour – un seul – se révolte…

A lire si vous avez le moral et le cœur bien accroché. Cette histoire fait sourire, rire (au début), puis secoue, choque, énerve… Heureusement, Eric Reinhardt nous délivre de superbes passages, de très belles phrases. A l’instar de celle-ci:  « Accepter sa propre bizarrerie pour en faire sa joie, n’est-ce pas ce qu’on devrait tous faire dans nos vies ? ». A méditer.

Un passage parmi d’autres

 J’ai retrouvé cette intensité du sentiment d’exister déjà perçue dans son premier envoi. Non parce que ma lectrice y témoignait d’un insolent bonheur : c’était en creux, par défaut, en suggérant qu’elle était confrontée à des vides, à des obstacles, à des entraves, qu’elle exprimait l’intensité de sa présence au monde – un jour, à force de le vouloir, elle parviendrait à être heureuse, semblait-elle vouloir dire. Elle ne donnait aucune indication sur la nature des contrariétés rencontrées, j’ignorais si ce qui l’empêchait d’être heureuse prospérait en elle-même ou dans son entourage (qu’il soit professionnel ou familial), mais en revanche sa volonté d’y résister, de les combattre, peut-être un jour d’en triompher circulait dans les profondeurs de sa lettre avec incandescence. Ce qui accentuait cette intuition que Bénédicte Ombredanne n’allait pas très bien, c’était aussi l’importance qu’elle accordait aux livres qu’elle adorait, une importance que je sentais démesurée : comparable à un naufragé qui dérive en haute mer accroché à une bouée, elle les voyait comme détourner leur route et s’orienter lentement vers sa personne de toute la hauteur de leur coque, c’était bien eux qui allaient vers elle et non l’inverse, comme s’ils avaient été écrits pour l’extraire des eaux sépulcrales où elle s’était résignée à attendre une mort lente. En cela je dois admettre que les lecteurs de cette catégorie n’ont pas une attitude ni des attentes fort différentes des miennes : moi aussi j’attends des livres que j’entreprends d’écrire qu’ils me secourent, qu’ils m’embarquent dans leur chaloupe, qu’ils me conduisent vers le rivage d’un ailleurs idéal. Elle me voyait comme un capitaine au long cours qui l’aurait distinguée dans les flots depuis le pont de son navire – et qui serait venu la sauver.

Eric Reinhardt – L’amour et les forêts – 2014 (Gallimard)

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Mr Gwyn – Alessandro Baricco

14 samedi Juin 2014

Posted by Aurélie in Romans étrangers

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Alessandro Baricco, Critique de livre, Gallimard, Mr Gwyn, roman

Alessandro Baricco - Mr GwynLes premières phrases

«  Tandis qu’il marchait dans Regent’s Park – le long d’une allée qu’il choisissait toujours, entre toutes -, Jasper Gwyn eut soudain la sensation limpide que ce qu’il faisait chaque jour pour gagner sa vie ne lui convenait plus. Plusieurs fois cette pensée l’avait effleuré, mais jamais avec la même netteté ni la même agilité.

Aussi, de retour chez lui, il se mit à écrire un article qu’il imprima, glissa dans une enveloppe, pour ensuite aller le déposer personnellement, traversant toute la ville, à la rédaction du Guardian. Ils le connaissaient. Occasionnellement il collaborait avec eux. Il demanda s’il était possible d’attendre une semaine avant de publier son papier.

Ce dernier consistait en une liste de cinquante-deux choses que Jasper Gwyn se promettait de ne plus jamais faire. La première était d’écrire des articles pour The Guardian. La treizième, d’aller parler devant des classes en prenant un air sûr de lui. La trente et unième, de se faire photographier le menton dans la main, songeur. La quarante-septième, de se forcer à être poli avec des collègues qui en vérité le méprisaient. La dernière était : d’écrire des livres. D’une certaine manière, elle éteignait la vague lueur d’espoir que l’avant-dernière pouvait avoir laissée : de publier des livres. « 

Circonstances de lecture

Découvert à La Grande Librairie.

Impressions

Jasper Gwyn, écrivain britannique, décide d’arrêter d’écrire. Au grand désespoir de son agent qui, au début, n’y croit pas une seconde. Mais Jasper Gwyn entend se tenir à cette décision. Et bientôt, il entreprend de se lancer dans une nouvelle aventure : « écrire » le portrait de parfaits inconnus, à la manière d’un peintre, dans un vieil atelier éclairé, selon son souhait, de 18 ampoules Catherine de Médicis.

En lisant Alessandro Baricco (que je découvre avec ce livre), je ne peux m’empêcher de penser à Paul Auster, qui, lui-aussi, se penche sur le processus de création. Mr Gwyn est un livre intelligent, merveilleusement bien écrit, qui délivre ses clés petit à petit, jusqu’à un final inattendu. Alessandro Baricco, merci ! Je vais m’empresser d’aller acheter d’autres de vos romans !

Un passage parmi d’autres

 – J’ai loué un atelier, derrière Marylebone High Street, un grand local, tranquille. J’y ai mis un lit, deux fauteuils, guère plus. Parquet au sol, murs défraîchis, un bel endroit. Ce que j’aimerais, c’est que vous veniez quatre heures par jour pendant une trentaine de jours, de 16 heures à 20 heures. Sans jamais sauter de jour, même le dimanche. J’aimerais que vous soyez ponctuelle et que, quoi qu’il arrive, vous posiez là pendant quatre heures, ce qui pour moi signifie simplement vous laisser regarder. Vous ne devrez pas rester dans une position que j’aurai choisie, mais juste évoluer dans cet espace, à votre convenance, marcher ou vous allonger, vous asseoir, où bon vous semble. Vous n’aurez ni à parler ni à répondre à aucune question, et je ne vous demanderai jamais de faire quoi que ce soit de particulier. Je continue ?

– Oui.

– Je voudrais que vous posiez nue, je pense que c’est une condition indispensable à la réussite du portrait.

Cette phrase-là, il l’avait préparée devant son miroir. La dame au foulard imperméable en avait peaufiné la tournure.

La jeune femme avait encore sa tasse à la main. De temps en temps elle la portait à ses lèvres, sans pour autant se décider à boire.

Jasper Gwyn sortit une clé de sa poche et la posa sur la table.

– Ce que je voudrais, c’est que vous preniez cette clé et que vous vous en serviez pour entrer dans l’atelier, chaque jour à 16 heures. Peu importe ce que je fais, moi, vous devez m’oublier. Comme si vous étiez seule, dans cette pièce, en permanence. Je vous demande seulement de vous en aller à 20 heures précises tous les soirs, et de fermer la porte derrière vous. Quand on aura terminé, vous me rendrez la clé. Buvez votre café, il va refroidir.

Alessandro Baricco – Mr Gwyn – 2014 (Gallimard)

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